…Des lieux que visite Baptiste, il rapporte des roches, des minerais, des terres et aussi des eaux prises aux fleuves, aux mers, parfois même à la pluie, à la neige. Son atelier est rempli de flacons mystérieux, aux noms évocateurs (terre de Sirène, eau de la Mer Noire etc), de flacons troubles, de cailloux. C’est en concassant ces roches, en diluant cette eau avec le pigment que Baptiste fait le matériau de sa peinture. Ce geste est fondamental: il mêle terre et eau à nouveau; il met ensemble des géographies distinctes; il expérimente les résistances de la terre (socle des empreintes, là où mes pieds font trace) à la dissolution légère et douce de la mer (là où tout retourne à l’oubli, là où sans doute il faut “aller chercher l’oubli”).
Terres hydrophiles ou hydrophobes, métamorphoses des qualités et des textures: la peinture reste un plaisir tactile, charnel. Elle fait l’essai des qualités sensibles, les teste à chaque essai de tableau, comme si le peintre tenait son envie de peindre de l’idée qu’il va essayer de voir ce que donne telle eau mêlée avec telle terre de ses voyages. Voir ce que cela donne...
Les tableaux de Baptiste sont ainsi en contact avec les gestes qui les ont fait surgir du blanc de la toile: geste des mélanges que l’oeil voit dans le dégradé de la couleur, dans les aspérités gardées d’une roche à la surface du tableau. Un autre geste est encore visible: c’est celui, bien sûr, d’une écriture - au sens le plus ordinaire. La “légende” est toujours manuscrite: le tableau garde mémoire du carnet. Il faut le souvenir de la main sur le papier; il faut l’inscription d’une singularité et d’une généralité, d’une langue avec une signature….
(Dominique Rabaté in « Passages de la ligne » catalogue d ‘exposition, Istanbul 2000)